Certains disent ne jamais lire les 4e de couverture avant de se lancer dans la lecture d’un livre. C’est peut-être ce que j’aurais dû faire avec Un livre de sable. Il était écrit un mélange entre Bukowski, Fante, Steinbeck et Caldwell, rien de moins ! Ce qui a fait que mes attentes étaient très, très élevées. J’y voyais déjà ma lecture de l’année… et peut-être même plus. Par ailleurs, Livre de sable est publié par la génialissime maison d’éditions MonsieurToussaintLouverture, sous sa collection « les grands animaux », je m’attendais déjà d’y voir de drôles d’oiseaux, comme dans le livre de Ken Kesey, Et quelques fois j’ai comme une grande idée. Ça promettait.
Avec des attentes si hautes, je peux dire qu’il était presque normal que j’en fut déçu. Cet aguichage en ai certainement pour quelque chose, je m’attendais d’y voir la concision-percussion de Bukowski, ou l’humour de Caldwell, ou de Fante. C’est vrai que dans les premières cent pages, le bonhomme MacDeramid, le grand père de Jack est plutôt un drôle d’oiseau, il n’a pas la langue dans sa poche, ne ratant jamais une occasion de dire le fond de sa pensée. Mais, le grand-père, on le perd de vue assez tôt. Le personnage qu’on suit, c’est Jacky, dont la mère revient le chercher, pour l’amener avec son Bill, ex-taulard, plutôt sympathique, mais qui perd la boule, le contrôle, et ses petits boulots lorsqu’il boit de l’alcool frelaté jusqu’à tomber dans le coma éthylique. C’est peut-être le même contexte que dans les bouquins de Bukowski, alcool, chambre à 2$ la semaine, et surtout le sexe qui est omniprésent dans les pensées de Jacky, en pleine découverte des plaisirs de la chair.
En fait, ces références-allusions ne sont pas complètement fausses, mais elles nous mettent sur une fausse piste. C’est autre chose, ce livre.
C’est un grand roman fort et triste… et qu’on avale parfois de travers. En suivant l’enfance de Jacky, de la conception à ses 15 ans, on peut vite être vieux lorsqu’on a la vie dure à ce point là, sans aucune échappée possible, lorsque nos repères sont plutôt instables, branlants, et très peu fiables. Comme Jack se le dit à lui-même, j’ai peur de ne pas grandir, mais de seulement vieillir. Il n’a pas la jeunesse facile Jack, elle lui rentre carrément dedans. C’est difficile à vivre, et parfois difficile à lire. Pas tellement au niveau du style, même s’il a des « relâchements », un peu de papotage et quelques digressions, mais dans ce que le petit subi, dans ce que la vie lui offre. Ça commence tôt, avec ses grand-parents qui, peu après avoir perdu leur maison, leur ferme et leurs terres sous la grande dépression des années 30, se trouvent à enchainer les boulots et passent d’un appartement à une chambre à une véranda à une cave…jusqu’à ce que sa maman vienne le récupérer, et là, Jack se dit, enfin, me voilà sauvé !
Ce n’est pas long que toutes ses illusions l’abandonnent… pour ne jamais revenir. La vie en cavale avec sa mère et son Bill sera une série d’échecs et de ratages qui finiront par détruire le peu d’espoirs et d’illusion qui restaient à sa mère et à son beau-père. Jack, lui, semble au-dessus deçà. Il n’a jamais connu autre chose, de toute façon. Mais sa mère et l’autre, ils y croient presque à chaque fois. Une petite maison, avec un petit boulot, pas d’ennui, tranquille «je ne demande pas la lune! » répète sa mère à chaque fois que ça dérape et qu’ils se trouvent obligé de remplir en 4e vitesse leur valise en carton. C’est à force de bouger d’une place à l’autre et de tout recommencer que les genoux flanches et que les choses dérapent pour de bon. Ça commence avec un peu d’alcool frelaté, puis beaucoup plus, jusqu’à ne pas savoir ce qu’on fait, à se trouver encore plus dans la dèche qu’avant… il a beaucoup de coups aussi… ça ouvre la porte à tous les excès…
J’ai cru comprendre que Tattoo d’Earl Thompson était la suite des péripéties du petit Jack, une fois arrivé à 15 ans… il est à parier que ça ne sera pas reluisant, mais j’ai bien envie de lire ce qu’il lui arrive à ce petit gamin, qui n’a déjà plus toutes ses dents.